Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/342

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amour. » Et contre son cœur Octavien sentait s’élever et s’abaisser ce beau sein, dont le matin même il admirait le moule à travers la vitre d’une armoire de musée ; la fraîcheur de cette belle chair le pénétrait à travers sa tunique et le faisait brûler. La bandelette or et noir s’était détachée de la tête d’Arria passionnément renversée, et ses cheveux se répandaient comme un fleuve noir sur l’oreiller bleu.

Les esclaves avaient emporté la table. On n’entendit plus qu’un bruit confus de baisers et de soupirs. Les cailles familières, insouciantes de cette scène amoureuse, picoraient sur le pavé de mosaïque les miettes du festin en poussant de petits cris.

Tout à coup les anneaux d’airain de la portière qui fermait la chambre glissèrent sur leur tringle, et un vieillard d’aspect sévère et drapé dans un ample manteau brun parut sur le seuil. Sa barbe grise était séparée en deux pointes comme celle des Nazaréens, son visage semblait sillonné par la fatigue des macérations : une petite croix de bois noir pendait à son col et ne laissait aucun doute sur sa croyance : il appartenait à la secte, toute récente alors, des disciples du Christ.

À son aspect, Arria Marcella, éperdue de confusion, cacha sa figure sous un pli de son manteau, comme un oiseau qui met la tête sous son aile en face d’un ennemi qu’il ne peut éviter,