Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/365

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jours, comme chacun le sait, des yeux de gazelle, une figure de pleine lune, des cheveux plus longs que la queue d’Al-Borac, la jument du Prophète, une bouche de jaspe rouge avec une haleine d’ambre gris, et mille autres perfections qui tombent avec le haik et le voile nuptial : comme il fut heureux de se sentir dégagé de tout lien vulgaire, et libre de s’abandonner tout entier à sa nouvelle passion !

Il eut beau s’agiter et se tourner sur son divan, il ne put s’endormir ; l’image de la princesse Ayesha, étincelante comme un oiseau de flamme sur un fond de soleil couchant, passait et repassait devant ses yeux. Ne pouvant trouver de repos, il monta dans un de ces cabinets de bois de cèdre merveilleusement découpé que l’on applique, dans les villes d’Orient, aux murailles extérieures des maisons, afin d’y profiter de la fraîcheur et du courant d’air qu’une rue ne peut manquer de former ; le sommeil ne lui vint pas encore, car le sommeil est comme le bonheur, il fuit quand on le cherche ; et, pour calmer ses esprits par le spectacle d’une nuit sereine, il se rendit avec son narghilé sur la plus haute terrasse de son habitation.

L’air frais de la nuit, la beauté du ciel plus pailleté d’or qu’une robe de péri et dans lequel la lune faisait voir ses joues d’argent, comme une sultane pâle d’amour qui se penche aux treillis de son kiosque, firent du bien à Mah-