Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/372

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Abu-Beker est puissant, il me fera chercher, et s’il peut me reprendre, Mesrour aurait cette fois la main plus sûre, et son damas ne se contenterait pas de m’effleurer le cou, dit-elle en souriant, et en passant la main sur l’imperceptible raie rose tracée par le sabre du zebec. Acceptez-moi pour votre esclave, je vous consacrerai une vie que je vous dois. Vous trouverez toujours mon épaule pour appuyer votre coude, et ma chevelure pour essuyer la poudre de vos sandales. »

Mahmoud-Ben-Ahmed était fort compatissant de sa nature, comme tous les gens qui ont étudié les lettres et la poésie. Leila, tel était le nom de l’esclave fugitive, s’exprimait en termes choisis ; elle était jeune, belle, et n’eût-elle été rien de tout cela, l’humanité eût défendu de la renvoyer. Mahmoud-Ben-Ahmed montra à la jeune esclave un tapis de Perse, des carreaux de soie dans l’angle de la chambre, et sur le rebord de l’estrade une petite collation de dattes, de cédrats confits et de conserves de roses de Constantinople, à laquelle, distrait par ses pensées, il n’avait pas touché lui-même, et, de plus, deux pots à rafraîchir l’eau, en terre poreuse de Thèbes, posés dans des soucoupes de porcelaine du japon et couverts d’une transpiration perlée. Ayant ainsi provisoirement installé Leila, il remonta sur sa terrasse pour achever son narghilé et trouver la dernière assonance du gha-