Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/452

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La princesse Hermonthis me tenait toujours par la main et saluait gracieusement les momies de sa connaissance.

Mes yeux s’accoutumaient à ce demi-jour crépusculaire et commençaient à discerner les objets.

Je vis, assis sur des trônes, les rois des races souterraines : c’étaient de grands vieillards secs, ridés, parcheminés, noirs de naphte et de bitume, coiffés de pschents d’or, bardés de pectoraux et de hausse-cols, constellés de pierreries avec des yeux d’une fixité de sphinx et de longues barbes blanchies par la neige des siècles : derrière eux, leurs peuples embaumés se tenaient debout dans les poses roides et contraintes de l’art égyptien, gardant éternellement l’attitude prescrite par le codex hiératique ; derrière les peuples miaulaient, battaient de l’aile et ricanaient les chats, les ibis et les crocodiles contemporains, rendus plus monstrueux encore par leur emmaillotage de bandelettes.

Tous les Pharaons étaient là, Chéops, Chephrenès, Psammetichus, Sésostris, Amenoteph, tous les noirs dominateurs des pyramides et des syringes ; sur une estrade plus élevée siégeaient le roi Chronos et Xixouthros, qui fut contemporain du déluge, et Tubal-Caïn, qui le précéda.

La barbe du roi Xixouthros avait tellement poussé qu’elle avait déjà fait sept fois le tour de la table de granit sur laquelle il s’appuyait tout rêveur et tout somnolent.