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Il n’y avait pas de cocher. — Les chevaux se conduisaient eux-mêmes ; ils étaient tout noirs, et galopaient si furieusement que leurs croupes s’abaissaient et se levaient comme des vagues, et que des pluies d’étincelles pétillaient derrière eux.

Ils prirent d’abord la rue de La Tour-d’Auvergne, puis la rue Bellefonds, puis la rue La Fayette, et, à partir de là, d’autres rues dont je ne sais pas les noms.

À mesure que la voiture allait, les objets prenaient autour de moi des formes étranges : c’étaient des maisons rechignées, accroupies au bord du chemin comme de vieilles filandières, des clôtures en planches, des réverbères qui avaient l’air de gibets à s’y méprendre ; bientôt les maisons disparurent tout à fait, et la voiture roulait dans la rase campagne.

Nous filions à travers une plaine morne et sombre ; — le ciel était très bas, couleur de plomb, et une interminable procession de petits arbres fluets courait, en sens inverse de la voiture, des deux côtés du chemin ; l’on eût dit une armée de manches à balai en déroute.

Rien n’était sinistre comme cette immensité grisâtre que la grêle silhouette des arbres rayait de hachures noires : — pas une étoile ne brillait, aucune paillette de lumière n’écaillait la profondeur blafarde de cette demi-obscurité.

Enfin, nous arrivâmes à une ville, à moi in-