Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/467

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

fit entendre, et l’on vint m’annoncer qu’une dame désirait me parler.

« Faites entrer la dame, » répondis-je, un peu ému et pressentant ce qui allait arriver.

Une femme vêtue de blanc, et les épaules couvertes d’un mantelet noir, entra d’un pas léger et vint se placer dans la pénombre lumineuse projetée par la lampe.

Par un phénomène très singulier, je vis passer sur sa figure trois physionomies différentes : elle ressembla un instant à Malibran, puis à M…, puis à celle qui disait aussi qu’elle ne voulait pas mourir, et dont le dernier mot fut : « Donnez-moi un bouquet de violettes. »

Mais ces ressemblances se dissipèrent bientôt comme une ombre sur un miroir, les traits du visage prirent de la fixité et se condensèrent, et je reconnus la morte que j’avais embrassée dans la ville noire.

Sa mise était extrêmement simple, et elle n’avait d’autre ornement qu’un cercle d’or dans ses cheveux, d’un brun foncé, et tombant en grappes d’ébène le long de ses joues unies et veloutées.

Deux petites taches roses empourpraient le haut de ses pommettes, et ses yeux brillaient comme des globes d’argent bruni ; elle avait, du reste, une beauté de camée antique, et la blonde transparence de ses chairs ajoutait encore à la ressemblance.