Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/493

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


VII

LE KIEF TOURNE AU CAUCHEMAR


Pendant mon extase, Daucus-Carota était rentré.

Assis comme un tailleur ou comme un pacha sur ses racines proprement tortillées, il attachait sur moi des yeux flamboyants ; son bec claquait d’une façon si sardonique, un tel air de triomphe railleur éclatait dans toute sa petite personne contrefaite, que je frissonnai malgré moi.

Devinant ma frayeur, il redoublait de contorsions et de grimaces, et se rapprochait en sautillant comme un faucheux blessé ou comme un cul-de-jatte dans sa gamelle.

Alors je sentis un souffle froid à mon oreille, et une voix dont l’accent m’était bien connu, quoique je ne pusse définir à qui elle appartenait, me dit :

« Ce misérable Daucus-Carota, qui a vendu ses jambes pour boire, t’a escamoté la tête et mis à la place, non pas une tête d’âne comme Puck à Bottom, nais une tête d’éléphant ! »