Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/70

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vant le corps du comte Labinski habité par l’âme d’Octave, il fit les passes nécessaires pour le tirer de l’état somnambulique, secouant à chaque geste ses doigts chargés du fluide qu’il enlevait.

Au bout de quelques minutes, Octave-Labinski (désormais nous le désignerons de la sorte pour la clarté du récit) se redressa sur son séant, passa ses mains sur ses yeux et promena autour de lui un regard étonné que la conscience du moi n’illuminait pas encore. Quand la perception nette des objets lui fut revenue, la première chose qu’il aperçut, ce fut sa forme placée en dehors de lui sur un divan. Il se voyait ! non pas réfléchi par un miroir, mais en réalité. Il poussa un cri, ― ce cri ne résonna pas avec le timbre de sa voix et lui causa une sorte d’épouvante ; ― l’échange d’âmes ayant eu lieu pendant le sommeil magnétique, il n’en avait pas gardé mémoire et éprouvait un malaise singulier. Sa pensée, servie par de nouveaux organes, était comme un ouvrier à qui l’on a retiré ses outils habituels pour lui en donner d’autres. Psyché dépaysée battait de ses ailes inquiètes la voûte de ce crâne inconnu, et se perdait dans les méandres de cette cervelle où restaient encore quelques traces d’idées étrangères.

« Eh bien, dit le docteur lorsqu’il eut suffisamment joui de la surprise d’Octave-Labinski, que vous semble de votre nouvelle habitation ? Votre âme se trouve-t-elle bien installée dans le