Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/9

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riche, avec tant de raisons d’être heureux, un jeune homme se consumât si misérablement ? Vous allez dire qu’Octave était blasé, que les romans à la mode du jour lui avaient gâté la cervelle de leurs idées malsaines, qu’il ne croyait à rien, que de sa jeunesse et de sa fortune gaspillées en folles orgies il ne lui restait que des dettes ; ― toutes ces suppositions manquent de vérité. ― Ayant fort peu usé des plaisirs, Octave ne pouvait en être dégoûté ; il n’était ni splénétique, ni romanesque, ni athée, ni libertin, ni dissipateur ; sa vie avait été jusqu’alors mêlée d’études et de distractions comme celle des autres jeunes gens ; il s’asseyait le matin au cours de la Sorbonne, et le soir il se plantait sur l’escalier de l’Opéra pour voir s’écouler la cascade des toilettes. On ne lui connaissait ni fille de marbre ni duchesse, et il dépensait son revenu sans faire mordre ses fantaisies au capital, ― son notaire l’estimait ; ― c’était donc un personnage tout uni, incapable de se jeter au glacier de Manfred ou d’allumer le réchaud d’Escousse. Quant à la cause de l’état singulier où il se trouvait et qui mettait en défaut la science de la faculté, nous n’osons l’avouer, tellement la chose est invraisemblable à Paris, au dix-neuvième siècle, et nous laissons le soin de la dire à notre héros lui-même.

Comme les médecins ordinaires n’entendaient rien à cette maladie étrange, car on n’a pas en-