Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/103

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Jack vint annoncer que la jument de madame était sellée et bridée.

Musidora descendit dans la cour, et, Jack lui ayant fait un étrier, elle se mit en selle avec une légèreté et une prestesse consommées ; puis elle appliqua un coup de houssine sur l’épaule de sa bête, qui partit comme un trait.

Jack galopait derrière elle et avait toutes les peines du monde à le suivre.

La longue avenue des Champs-Élysées fut bientôt dévorée. ― La jument de Musidora n’était pas sortie depuis longtemps, et elle bondissait d’impatience comme une sauterelle.

Quoiqu’elle fût lancée au plein galop, sa maîtresse lui lâchait la bride et la frappait à grands coups de cravache. ― Je ne sais quel pressentiment disait à Musidora qu’elle verrait le Fortunio ce jour-là.

La jument, ainsi excitée, allongeait encore plus son galop et semblait ne pas toucher la terre.

Les passants et les promeneurs s’émerveillaient de la hardiesse de la jeune femme ; quelquefois un cri de terreur partait d’une voiture dans le fond de laquelle une duchesse peureuse se rejetait en détournant la tête pour ne pas voir l’imprudente tomber et se briser sur le pavé.

Mais la Musidora est une excellente écuyère, elle tient à la selle comme si elle y était soudée et vissée.