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eût accepté un roi constitutionnel. Elle paraissait s’amuser fort peu ; elle avait même bâillé une ou deux fois assez ostensiblement : personne ne lui convenait parmi les convives, et, sa coquetterie n’étant pas intéressée, elle restait froide et morne comme si elle eût été entièrement seule.

En attendant que Fortunio vienne, jetons un coup d’œil sur la salle et les convives qu’elle renferme.

La salle est d’un aspect riche et noble ; des boiseries de chêne relevées d’arabesques d’or mat revêtent les parois du mur ; une corniche précieusement sculptée, soutenue par des enfants et des chimères, règne tout autour de la salle ; le plafond est traversé par des poutres brodées d’ornements et de ciselures qui forment des caissons où l’on a dessiné des figures de femmes, sur fond d’or, dans le goût gothique, mais avec un pinceau plus souple et plus libre. Dans les entre-deux des fenêtres sont posés des crédences et des buffets de brèche antique portés par des dauphins d’argent aux yeux et aux nageoires d’or, dont les queues entortillées forment de capricieuses volutes. Tous ces buffets sont chargés de vaisselle armoriée et de flacons de formes étranges contenant des liqueurs inconnues ; d’amples et puissants rideaux de velours nacarat doublés de moire blanche, frangés de crépine d’or, retombent sur les fe-