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Ensuite nous ferons remarquer que le cœur de la femme est un labyrinthe si plein de détours, de faux-fuyants et de recoins obscurs, que les grands poètes eux-mêmes qui s’y sont aventurés, la lampe d’or du génie à la main, n’ont pas toujours su s’y reconnaître, et que personne ne peut se vanter de posséder le peloton conducteur qui mène à la sortie de ce dédale. ― De la part d’une femme on peut s’attendre à tout, et principalement à l’absurde.

Beaucoup de gens respectables et de dames fâchées de l’être seront sans doute d’avis que les coups de foudre sont de pures illusions romanesques, et que l’on n’aime pas éperdument un homme ou une femme que l’on n’a vu qu’une fois. Quant à nous, notre avis est que, si l’on n’aime pas une personne la première fois qu’on la voit, il n’y a aucune raison pour l’aimer la seconde et encore moins la troisième.

Puis, il fallait bien que Musidora se prît de passion pour Fortunio, sans quoi notre roman n’aurait pu subsister. Notre héros, doué comme il l’est, riche, jeune, beau, spirituel et mystérieux, devait d’ailleurs être adoré au premier coup. Bien d’autres, qui n’ont pas la moitié de ces qualités, réussissent aussi promptement.

Qu’y a-t-il d’étrange à ce qu’une jeune femme aime un beau jeune homme ? Ainsi donc, que la chose soit vraisemblable ou non, il est constaté que Musidora adore Fortunio, qu’elle ne con-