Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/163

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Jamais il ne lui arriva de répéter deux fois le même ordre ; même il était rare qu’il prît la peine de formuler sa volonté avec la parole : un geste, un clin d’œil suffisait.

Il y avait toujours, sous la remise, une voiture attelée et deux chevaux sellés ; ― un dîner perpétuel était tenu prêt dans l’office : il n’était pas encore arrivé à Fortunio d’attendre quelqu’un ou quelque chose ; ― deux belles filles se tenaient, nuit et jour, dans un cabinet à côté de sa chambre à coucher, en cas qu’il lui passât par la tête quelque fantaisie amoureuse. ― C’était, comme on le voit, un homme de précaution.

L’obstacle et le retard lui étaient inconnus ; il ne savait pas ce que c’était que le lendemain. Pour lui tout pouvait être aujourd’hui, et il avait la puissance de faire de l’avenir le présent.

Lorsque son oncle mourut, il avait vingt ans environ ; le désir le prit de voir l’Europe, la France et Paris.

Il y vint, emportant avec lui vingt fortunes, tonnes d’or, cassette de diamants et le reste.

D’abord, accoutumé qu’il était aux magnificences orientales, tout lui parut misérable, étriqué, mesquin. Les grands seigneurs les plus riches lui faisaient l’effet de mendiants déguenillés ; cependant il découvrit bientôt, sous cet aspect pauvre et terne, des mondes d’idées dont il ne soupçonnait pas l’existence. Il fit dans ces