Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/17

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ont abusé de tout, et il n’y a plus guère de nouveau pour Musidora que la vertu.

« Allons, Musidora, dit George, tu ne bois pas ; » et, prenant le verre qu’elle n’avait pas encore touché, il le lui porta à la bouche, et, appuyant le bord contre ses dents, il lui infiltra la liqueur goutte à goutte.

Musidora le laissa faire avec la plus profonde insensibilité.

« Ne la tourmentez pas, George, dit Phébé en se levant à demi ; quand elle est dans ses tristesses, il n’y a pas moyen d’en tirer un mot.

― Pardieu ! répondit George en reposant le verre, puisqu’elle ne veut ni boire ni parler, pour l’empêcher de devenir tout à fait insociable je m’en vais l’embrasser. »

Musidora détourna la tête si vivement, que les lèvres de George n’effleurèrent que sa boucle d’oreille.

« Ah ! fit George, Musidora devient d’une vertu monstrueuse, elle ne se laissera bientôt plus embrasser que par son amant ; je lui avais pourtant inculqué les meilleurs principes. Musidora vertueuse, Fortunio absent : voilà un piteux souper ! »

Puisque ce Fortunio tant désiré n’est pas encore arrivé, et que sans lui nous ne pouvons commencer notre histoire, nous demanderons au lecteur la permission de lui esquisser les portraits des compagnes de Musidora, à peu près