Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/175

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teurs ou les poètes n’auraient pu soutenir la comparaison avec notre héros.

Il était le dernier type de la beauté virile, disparue du monde depuis l’ère nouvelle. Phidias lui-même ou Lysippe, le sculpteur d’Alexandre, n’eussent rien rêvé de plus pur et de plus parfait.

« Pourquoi ne te baignes-tu pas ? dit Fortunio à Musidora en se rapprochant de la barque. On m’a dit que tu savais nager, petite.

― Oui, mais ces nègres qui sont là.

― Ces nègres ? eh bien ! qu’est-ce que cela fait ? ce ne sont pas des hommes. S’ils n’étaient muets, ils pourraient très bien chanter le Miserere à la chapelle Sixtine. »

Musidora défit sa robe et se laissa couler dans le fleuve.

Ses longs cheveux flottaient derrière elle comme un manteau d’or, et de temps en temps on voyait luire à la surface de l’eau ses reins satinés comme ceux des nymphes de Rubens, et ses petits talons rosés comme les doigts de l’Aurore.

Ils glissaient tous les deux côte à côte comme des cygnes jumeaux, et après avoir décrit quelques courbes gracieuses pour rompre la force du courant, ils revinrent à leur point de départ, et prirent pied sur les dernières marches de l’escalier de marbre.

Deux belles mulâtresses les attendaient avec