Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/220

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blée. — Des palefreniers ou des portiers déguisés en laquais apportent quelques gâteaux et quelques verres de mélanges fades, sur lesquels tout le monde se rue avec une avidité dégoûtante.

« Les gens les plus aisés dansent eux-mêmes comme s’ils n’avaient pas le moyen de payer des danseurs.

« Tu serais bien étonné, mon bon Radin-Mantri, de voir de près la civilisation : la civilisation consiste à avoir des journaux et des chemins de fer. Les journaux sont de grands morceaux de papier carrés qu’on répand le matin par la ville ; ces papiers, qui ont l’air d’avoir été imprimés avec du cirage, contiennent le récit des événements de la ville : les chiens qui se sont noyés, les maris qui ont été battus par leurs femmes, et des considérations sur l’état des cabinets de l’Europe, écrites par des gens qui n’ont jamais su lire et dont on ne voudrait pas pour valets de chambre. Les chemins de fer sont des rainures où l’on fait galoper des marmites ; spectacle récréatif !

« Outre les journaux et les chemins de fer, ils ont une espèce de mécanique con-sti-tu-ti-on-nelle avec un roi qui règne et ne gouverne pas ; comprends-tu ? Quand ce pauvre diable de roi a besoin d’un million, il est obligé de le demander à trois cents provinciaux qui se réunissent au bout d’un pont et parlent toute l’année