Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/294

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pardonne le rôle que vous m’avez fait jouer. — Après tout, ce n’est pas votre faute si vous ne savez pas aimer, si l’impossible seul vous attire, si vous n’avez envie que de ce que vous ne pouvez atteindre. Vous avez l’ambition de l’amour, vous vous trompez sur vous-même, vous n’aimerez jamais. Il vous faut la perfection, l’idéal et la poésie : — tout ce qui n’existe pas. — Au lieu d’aimer dans une femme l’amour qu’elle a pour vous, de lui savoir gré de son dévouement et du don de son âme, vous cherchez si elle ressemble à cette Vénus de plâtre qui est dans votre cabinet. Malheur à elle, si la ligne de son front n’a pas la coupe désirée ! Vous vous inquiétez du grain de sa peau, du ton de ses cheveux, de la finesse de ses poignets et de ses chevilles, de son cœur jamais. — Vous n’êtes pas amoureux, mon pauvre Tiburce, vous n’êtes qu’un peintre. — Ce que vous avez pris pour de la passion n’était que de l’admiration pour la forme et la beauté ; vous étiez épris du talent de Rubens, et non de Madeleine ; votre vocation de peintre s’agitait confusément en vous et produisait ces élans désordonnés dont vous n’étiez pas le maître. De là viennent toutes les dépravations de votre fantaisie. — J’ai compris cela, parce que je vous aimais. — L’amour est le génie des femmes, — leur esprit ne s’absorbe pas dans une égoïste contemplation ! depuis que je suis ici j’ai feuilleté vos livres, j’ai relu vos