Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/307

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viendras que je ne suis pas trop noire pour un diable, et que, si l’enfer était peuplé de diables faits comme moi, on y passerait son temps aussi agréablement qu’en paradis. »

Pour montrer qu’elle ne se vantait pas, Omphale rejeta en arrière sa peau de lion et me fit voir des épaules et un sein d’une forme parfaite et d’une blancheur éblouissante.

« Eh bien ! qu’en dis-tu ? fit-elle d’un petit air de coquetterie satisfaite.

— Je dis que, quand vous seriez le diable en personne, je n’aurais plus peur, Madame Omphale.

— Voilà qui est parler ; mais ne m’appelez plus ni madame, ni Omphale. Je ne veux pas être madame pour toi, et je ne suis pas plus Omphale que je ne suis le diable.

— Qu’êtes-vous donc, alors ?

— Je suis la marquise de T… Quelque temps après mon mariage, le marquis fit exécuter cette tapisserie pour mon appartement, et m’y fit représenter sous le costume d’Omphale ; lui-même y figure sous les traits d’Hercule. C’est une singulière idée qu’il a eue là ; car, Dieu le sait, personne au monde ne ressemblait moins à Hercule que le pauvre marquis. Il y a bien longtemps que cette chambre n’a été habitée. Moi, qui aime naturellement la compagnie, je m’ennuyais à périr, et j’en avais la migraine. Être avec son mari, c’est être seule. Tu es venu, cela m’a ré-