Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/311

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de plus en plus adorable. Ce manège se répéta pendant assez longtemps encore. Comme je ne dormais pas la nuit, j’avais tout le jour une espèce de somnolence qui ne parut pas de bon augure à mon oncle. Il se douta de quelque chose ; il écouta probablement à la porte, et entendit tout ; car un beau matin il entra dans ma chambre si brusquement, qu’Antoinette eut à peine le temps de remonter à sa place.

Il était suivi d’un ouvrier tapissier avec des tenailles et une échelle.

Il me regarda d’un air rogue et sévère qui me fit voir qu’il savait tout.

« Cette marquise de T… est vraiment folle ; où diable avait-elle la tête de s’éprendre d’un morveux de cette espèce ? fit mon oncle entre ses dents ; elle avait pourtant promis d’être sage ! — Jean, décrochez cette tapisserie, roulez-là et portez-là au grenier. »

Chaque mot de mon oncle était un coup de poignard.

Jean roula mon amante Omphale, ou la marquise Antoinette de T…, avec Hercule, ou le marquis de T…, et porta le tout au grenier. Je ne pus retenir mes larmes.

Le lendemain, mon oncle me renvoya par la diligence de B… chez mes respectables parents, auxquels, comme on pense bien, je ne soufflai pas mot de mon aventure.

Mon oncle mourut ; on vendit sa maison et