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Il s’appelle Fanfreluche, très joli nom de chien, qu’il porte avec honneur.

Fanfreluche n’est pas plus gros que le poing fermé de sa maîtresse, et l’on sait que madame la marquise a la plus petite main du monde ; et cependant il offre à l’œil beaucoup de volume et paraît presque un petit mouton, car il a des soies d’un pied de long, si fines, si douces, si brillantes, que la queue à Minette semble une brosse en comparaison. Quand il donne la patte et qu’on la lui serre un peu, l’on est tout étonné de ne rien sentir du tout. Fanfreluche est plutôt un flocon de laine soyeuse, où brillent deux beaux yeux bruns et un petit nez rose, qu’un véritable chien. Un pareil bichon ne peut qu’appartenir à la mère des Amours, qui l’aura perdu en allant à Cythère, où madame la marquise, qui y va quelquefois, l’a probablement trouvé.

Regardez-moi cette physionomie intéressante et spirituelle ; Roxelane n’aurait-elle pas été jalouse de ce nez délicatement rebroussé et séparé dans le milieu par une petite raie comme celui d’Anne d’Autriche ? Ces deux marques de feu, au-dessus des yeux, ne font-elles pas meilleur effet que l’assassin posé de la manière la plus engageante ?

Quelle vivacité dans cette prunelle à fleur de tête ! et cette double rangée de dents blanches, grosses comme des grains de riz, que la moindre contrariété fait apparaître dans toute leur splen-