Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/321

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peroser en diable, trouve les rôles de jeune veuve de vingt-cinq ans beaucoup trop vieux pour elle.

Éliante, qui est née et ne voit que l’extrêmement bonne compagnie, a épousé à quinze ans le comte de *** ; elle sortait du couvent et n’avait jamais vu son prétendu, qui lui sembla fort beau et fort aimable ; c’était le premier homme qu’elle voyait après le Père confesseur. Elle ne comprenait d’ailleurs du mariage que la voiture, les robes neuves et les diamants.

Le comte a bien quarante ans passés ; il a été ce qu’on nomme un roué, un homme à bonnes fortunes, un coureur d’aventures sous le règne de l’autre roi. Il est parfait pour sa femme ; mais, comme il avait ailleurs une affaire réglée, un engagement formel, son intimité avec Éliante n’a jamais été bien sérieuse, et la jeune comtesse jouit de toute la liberté désirable, le comte n’étant nullement susceptible de jalousie et autres préjugés gothiques.

La figure d’Éliante n’a pas de ces régularités grecques dont on s’accorde à dire qu’elles sont parfaitement belles, mais qui au fond ne charment personne ; elle a les plus beaux yeux du monde et un jeu de prunelles supérieur, des sourcils finement tracés qu’on prendrait pour l’arc de Cupidon, un petit nez fripon et chiffonné qui lui sied à ravir, une bouche à n’y pas fourrer le petit doigt : ajoutez à cela des cheveux à