Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/373

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l’autel avec la ferme résolution de refuser d’une manière éclatante l’époux qu’on leur impose, et que pas une seule n’exécute son projet. C’est là sans doute ce qui fait que tant de pauvres novices prennent le voile, quoique bien décidées à le déchirer en pièces au moment de prononcer leurs vœux. On n’ose causer un tel scandale devant tout le monde ni tromper l’attente de tant de personnes ; toutes ces volontés, tous ces regards semblent peser sur vous comme une chape de plomb ; et puis les mesures sont si bien prises, tout est si bien réglé à l’avance, d’une façon si évidemment irrévocable, que la pensée cède au poids de la chose et s’affaisse complétement.

Le regard de la belle inconnue changeait d’expression selon le progrès de la cérémonie. De tendre et caressant qu’il était d’abord, il prit un air de dédain et de mécontentement comme de ne pas avoir été compris.

Je fis un effort suffisant pour arracher une montagne, pour m’écrier que je ne voulais pas être prêtre ; mais je ne pus en venir à bout ; ma langue resta clouée à mon palais, et il me fut impossible de traduire ma volonté par le plus léger mouvement négatif. J’étais, tout éveillé, dans un état pareil à celui du cauchemar, où l’on veut crier un mot dont votre vie dépend, sans en pouvoir venir à bout.

Elle parut sensible au martyre que j’éprouvais, et, comme pour m’encourager, elle me