Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/422

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pour vous de ne plus aller dans cette maison, où vous passiez le temps d’une manière si agréable en jouant aux dés, aux osselets, en pariant l’un contre l’autre vos singes, vos maîtresses et vos maisons de campagne, vos grammairiens et vos poètes. Il était charmant de voir danser les sveltes Africaines avec leurs grêles cymbales, d’entendre un jeune esclave jouant de la flûte à deux tuyaux sur le mode ionien, couronnés de lierre, renversés mollement sur des lits à pieds d’ivoire, tout en buvant à petits coups du vin de Chypre rafraîchi dans la neige de l’Hymette.

Il plaît à Plangon la Milésienne de n’être plus une femme à la mode, elle a résolu de vivre un peu pour son compte ; elle veut être gaie ou triste, debout ou couchée selon sa fantaisie. Elle ne vous a que trop donné de sa vie. Si elle pouvait vous reprendre les sourires, les bons mots, les œillades, les baisers qu’elle vous a prodigués, l’insouciante hétaire, elle le ferait ; l’éclat de ses yeux, la blancheur de ses épaules, la rondeur de ses bras, ce sujet ordinaire de vos conversations, que ne donnerait-elle pas pour en effacer le souvenir de votre mémoire ! comme ardemment elle a désiré de vous être inconnue ! qu’elle a envié le sort de ces pauvres filles obscures qui fleurissent timidement à l’ombre de leurs mères ! Plaignez-la, c’est son premier amour. Dès ce jour-là elle a compris la virginité et la pudeur.