Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/441

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renversée en arrière, les cheveux pendants, les yeux fermés, les bras dénoués comme si son esprit eût été visiter la demeure des mânes.

Bacchide effrayée souleva l’enfant dans ses bras avec l’aide de sa nourrice et le déposa sur son lit.

Quand Ctésias rouvrit les yeux, il sentit à son front la chaleur humide des lèvres de Bacchide, qui se penchait sur lui avec l’expression d’une tendresse inquiète.

« Comment te trouves-tu, ma chère âme ? dit Bacchide, qui avait attribué l’évanouissement de Ctésias à la seule émotion de la revoir.

— Ô Bacchide, il faut que je meure, dit l’enfant d’une voix faible, en enlaçant le col de l’hétaire avec ses bras amaigris.

— Mourir ! enfant, et pourquoi donc ? N’es-tu pas beau ? n’es-tu pas jeune ? n’es-tu pas aimé ? Quelle femme, hélas ! ne t’aimerait pas ? À quel propos parler de mourir ? C’est un mot qui ne va pas dans une aussi belle bouche. Quelle espérance t’a menti ? quel malheur t’est-il donc arrivé ? Ta mère est-elle morte ? Cérès a-t-elle détourné ses yeux d’or de tes moissons ? Bacchus a-t-il foulé d’un pied dédaigneux les grappes non encore mûres de tes coteaux ? Cela est impossible. La Fortune, qui est une femme, ne peut avoir de rigueurs pour toi.

— Bacchide, toi seule peux me sauver, toi, la meilleure et la plus généreuse des femmes ; mais