Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/467

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bras avec un mouvement de colombe, s’arrangea de son mieux pour dormir. Charmion lui défit ses sandales et se mit à lui chatouiller doucement la plante des pieds avec la barbe d’une plume de paon ; le sommeil ne tarda pas à jeter sa poudre d’or sur les beaux yeux de la sœur de Ptolémée.

Maintenant que Cléopâtre dort, remontons sur le pont de la cange et jouissons de l’admirable spectacle du soleil couchant. Une large bande violette, fortement chauffée de tons roux vers l’occident, occupe toute la partie inférieure du ciel ; en rencontrant les zones d’azur, la teinte violette se fond en lilas clair et se noie dans le bleu par une demi-teinte rose ; du côté où le soleil, rouge comme un bouclier tombé des fournaises de Vulcain, jette ses ardents reflets, la nuance tourne au citron pâle et produit des teintes pareilles à celles des turquoises. L’eau frisée par un rayon oblique a l’éclat mat d’une glace vue du côté du tain, ou d’une lame damasquinée ; les sinuosités de la rive, les joncs, et tous les accidents du bord s’y découpent en traits fermes et noirs qui en font vivement ressortir la réverbération blanchâtre. À la faveur de cette clarté crépusculaire vous apercevrez là-bas, comme un grain de poussière tombé sur du vif-argent, un petit point brun qui tremble dans un réseau de filets lumineux. Est-ce une sarcelle qui plonge, une tortue qui se laisse aller