Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/512

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daule. Était-ce seulement le souffle de Borée qui avait causé cet accident, ou bien Éros, qui se plaît à troubler les âmes, s’était-il amusé à couper le lien qui retenait le tissu protecteur ? Toujours est-il que Gygès resta immobile à l’aspect de cette Méduse de beauté, et il y avait longtemps que le pli de la robe de Nyssia avait disparu sous la porte de la ville, que Gygès ne songeait pas à reprendre son chemin. Bien que rien ne justifiât cette conjecture, il avait eu le sentiment qu’il venait de voir la fille du satrape, et cette rencontre, qui avait presque le caractère d’une apparition, concordait si bien avec la pensée qui l’occupait dans ce moment, qu’il ne put s’empêcher d’y voir quelque chose de fatal et d’arrangé par les dieux. ― En effet, c’était bien sur ce front qu’il eût voulu poser le diadème : quel autre en eût été plus digne ? Mais quelle probabilité y avait-il que Gygès eût jamais un trône à faire partager ? Il n’avait pas essayé de donner suite à cette aventure et de s’assurer si c’était vraiment la fille de Mégabaze dont le hasard, ce grand escamoteur, lui avait révélé le visage mystérieux. Nyssia s’était dérobée si promptement qu’il lui eût été impossible de la retrouver, et d’ailleurs il avait été plutôt ébloui, fasciné, foudroyé en quelque sorte, que charmé par cette apparition surhumaine, par ce monstre de beauté.

Cependant, cette image, à peine entrevue un