Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/514

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Donc Gygès, le seul qui pût parler de Nyssia en connaissance de cause, n’en ayant rien dit, les Sardiens en étaient réduits aux conjectures, et il faut convenir qu’ils en faisaient de bizarres et tout à fait fabuleuses. La beauté de Nyssia, grâce aux voiles dont elle était entourée, devenait comme une espèce de mythe, de canevas, de poème que chacun brodait à sa guise.

« Si ce que l’on rapporte n’est pas faux, disait en grasseyant un jeune débauché d’Athènes, la main appuyée sur l’épaule d’un enfant asiatique, ni Plangon, ni Archenassa, ni Thaïs ne peuvent supporter la comparaison avec cette merveille barbare ; pourtant j’ai peine à croire qu’elle vaille Théano de Colophon, dont j’ai acheté une nuit au prix de ce qu’elle a pu emporter d’or, en plongeant jusqu’aux épaules ses bras blancs dans mon coffre de cèdre.

― Auprès d’elle, ajouta un Eupatride qui avait la prétention d’être mieux informé que personne sur toutes choses, auprès d’elle, la fille de Cœlus et de la Mer paraîtrait comme une servante éthiopienne.

― Ce que vous dites là est un blasphème, et, quoique Aphrodite soit une bonne et indulgente déesse, prenez garde de vous attirer sa colère.

― Par Hercule ! ― ce qui est un serment de valeur dans une ville gouvernée par ses descendants, ― je n’en puis rabattre d’un mot.

― Vous l’avez donc vue ?