Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/527

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stance idéale dont était formée Nyssia. Cette chair si fine, si délicate, se laissait pénétrer par le jour et se modelait en contours transparents, en lignes suaves, harmonieuses comme de la musique. Selon la différence des aspects, elle se colorait de soleil ou de pourpre comme le corps aromal d’une divinité, et semblait rayonner la lumière et la vie. Le monde de perfections que renfermait l’ovale noblement allongé de sa chaste figure, nul ne pourra le redire, ni le statuaire avec son ciseau, ni le peintre avec son pinceau, ni le poète avec son style, fût-il Praxitèle, Apelles ou Mimnerme. Sur son front uni, baigné par des ondes de cheveux rutilants semblables à l’électrum en fusion et saupoudrés de limaille d’or, suivant la coutume babylonienne, siégeait, comme sur un trône de jaspe, l’inaltérable sérénité de la beauté parfaite.

Pour ses yeux, s’ils ne justifiaient pas entièrement ce qu’en disait la crédulité populaire, ils étaient au moins d’une étrangeté admirable ; des sourcils bruns dont les extrémités s’effilaient gracieusement comme les pointes de l’arc d’Éros, et que rejoignait une ligne de henné, à la mode asiatique, de longues franges de cils aux ombres soyeuses, contrastaient vivement avec les deux étoiles de saphir roulant sur un ciel d’argent bruni qui leur servaient de prunelles. Ces prunelles, dont la pupille était plus noire que l’atrament, avaient dans l’iris de singulières variations de