Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/528

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nuances ; du saphir elles passaient à la turquoise, de la turquoise à l’aigue-marine, de l’aigue-marine à l’ambre jaune, et quelquefois, comme un lac limpide dont le fond serait semé de pierreries, laissaient entrevoir, à des profondeurs incalculables, des sables d’or et de diamant, sur lesquels des fibrilles vertes frétillaient et se tordaient en serpents d’émeraudes. Dans ces orbes aux éclairs phosphoriques, les rayons des soleils éteints, les splendeurs des mondes évanouis, les gloires des olympes éclipsés semblaient avoir concentré leurs reflets ; en les contemplant, on se souvenait de l’éternité, et l’on se sentait pris de vertige, comme en se penchant sur le bord de l’infini.

L’expression de ces yeux extraordinaires n’était pas moins variable que leurs teintes. Tantôt, leurs paupières s’entr’ouvrant comme les portes des demeures célestes, ils vous appelaient dans des élysées de lumière, d’azur et de félicité ineffable, ils vous promettaient la réalisation de tous vos rêves de bonheur décuplés, centuplés, comme s’ils avaient deviné les secrètes pensées de votre âme ; tantôt, impénétrables comme des boucliers composés de sept lames superposées des plus durs métaux, ils faisaient tomber vos regards, flèches émoussées et sans force : d’une simple inflexion de sourcil, d’un seul tour de prunelle, plus fort que la foudre de Zeus, ils vous précipitaient, du haut de vos escalades les plus ambitieuses, dans des néants si profonds qu’il était impossible de