Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/529

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s’en relever. Typhon lui-même, qui se retourne sous l’Etna, n’eût pu soulever les montagnes de dédain dont ils vous accablaient ; l’on comprenait que, vécût-on mille olympiades, avec la beauté du blond fils de Létô, le génie d’Orpheus, la puissance sans bornes des rois assyriens, les trésors des Kabires, des Telchines et des Dactyles, dieux des richesses souterraines, on ne pourrait les ramener à une expression plus douce.

D’autres fois ils avaient des langueurs si onctueuses et si persuasives, des effluves et des irradiations si pénétrants, que les glaces de Nestor et de Priam se seraient fondues à leur aspect, comme la cire des ailes d’Icare en approchant des zones enflammées. Pour un de ces regards on eût trempé ses mains dans le sang de son hôte, dispersé aux quatre vents les cendres de son père, renversé les saintes images des dieux et volé le feu du ciel comme Prométhée, le sublime larron.

Cependant leur expression la plus ordinaire, il faut le dire, était une chasteté désespérante, une froideur sublime, une ignorance de toute possibilité de passion humaine, à faire paraître les yeux de clair de lune de Phœbé et les yeux vert de mer d’Athéné plus lubriques et plus provocants que ceux d’une jeune fille de Babylone sacrifiant à la déesse Mylitta dans l’enceinte de cordes de Succoth-Benoth. ― Leur virginité invincible paraissait défier l’amour.