Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/586

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tu finiras par me trouver laide. » Et un rire sardonique emprunté crispa un instant sa bouche pâle ; puis, reprenant une figure impassible et sévère : « Ne t’imagine pas t’esquiver cette fois comme l’autre ; tu sais que j’ai la vue perçante. Au moindre mouvement de ta part j’éveille Candaule, et tu comprends qu’il ne te serait pas facile d’expliquer ce que tu fais dans l’appartement du roi, derrière une porte, un poignard à la main. ― D’ailleurs, mes esclaves bactriens ― les muets cuivrés qui t’ont enfermé tantôt ― gardent les issues du palais, avec ordre de te massacrer si tu sors. Ainsi, que de vains scrupules de fidélité ne t’arrêtent pas. Pense que je te ferai roi de Sardes et que… je t’aimerai si tu me venges. Le sang de Candaule sera ta pourpre, et sa mort te fera une place dans ce lit. »

Les esclaves vinrent, selon leur habitude, changer la braise des trépieds, renouveler l’huile des lampes, étendre sur la couche royale des tapis et des peaux de bêtes, et Nyssia se hâta d’entrer dans la chambre dès qu’elle entendit leurs pas résonner au loin.

Au bout de quelque temps, Candaule arriva tout joyeux ; il avait acheté le lit d’Ikmalius, et se proposait de le substituer au lit dans le goût oriental qui, disait-il, ne lui avait jamais beaucoup plu. ― Il parut satisfait de trouver Nyssia déjà rendue dans la chambre conjugale.

« Le métier à broder, les fuseaux et les ai-