Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/68

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issue que j’avais soigneusement fermée en sortant pour aller au souper de George. Comprends-tu cela ? En attendant, voici les pantoufles. »

Arabelle tira de sa poitrine deux petits souliers bizarrement brodés d’or et de perles, du caprice le plus chinois, de la gentillesse la plus folle que l’on puisse imaginer.

« Mais ce sont de vraies perles et du plus bel Orient, dit Musidora en examinant les babouches ; c’est un cadeau plus précieux que tu ne le penses. ― Regarde ces deux perles ; celles de Cléopâtre n’étaient ni plus pures ni plus rondes.

― Le seigneur Fortunio est vraiment d’une magnificence tout à fait asiatique ; mais il est aussi invisible qu’un roi oriental ; il ne se montre qu’à ses jours. Je crains, ma chère Musidora, que tu ne perdes ton pari.

― J’en ai bien peur aussi, Arabelle. ― J’avais feint de m’endormir et profité d’un moment de distraction de Fortunio, qui ne se défiait pas de moi, pour lui enlever son portefeuille, dont les angles se révélaient à travers son habit. D’abord le maudit portefeuille ne voulait pas s’ouvrir, et j’ai bien passé deux heures à trouver le mystérieux sésame qui devait faire tourner les ressorts sur eux-mêmes et me livrer les précieux secrets, si soigneusement gardés ; mais, comme si Fortunio eût deviné mes intentions, je n’ai trouvé qu’une fleur desséchée, une aiguille et deux chiffons de papier noircis du plus affreux