Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/74

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bonnet, flasques et plissées comme des oreilles d’éléphant, tombaient nonchalamment le long de ses mâchoires peaussues et encadraient convenablement le tout.

Musidora ne fut pas éloignée d’avoir peur à la vue de cette Méduse grotesque qui fixait sur elle deux prunelles d’un gris sale toutes pétillantes d’interrogation.

« M. V*** est-il chez lui ? demanda l’Arabelle.

― Certainement, madame, qu’il y est ; il ne sort jamais qu’aux heures de sa leçon, ce pauvre cher homme, un homme bien savant, et qui ne fait pas plus de train dans la maison qu’une souris privée. — C’est au fond de la cour, l’escalier à gauche, au second, la porte où il y a un pied de biche ; — il n’y a pas à se tromper. »

La Musidora et l’Arabella traversèrent la cour en relevant le bas de leur robe comme si elles eussent marché dans une prairie mouillée de rosée ; — l’herbe poussait entre les fentes des pavés aussi librement qu’en pleine terre.

Mais, voyant qu’elles hésitaient, l’affreux dogue coiffé sortit de sa loge et s’avança vers elles en se dandinant et en traînant la jambe comme un faucheux blessé.

« Par ici, mesdames, par ici ! voilà le chemin au milieu. C’est que ce n’est pas ici une de ces maisons qui sont comme des républiques, où l’on ne fait qu’aller et venir. Il n’y a pourtant pas