Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/88

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Musidora éprouve une émotion qu’elle n’a jamais ressentie. ― Elle a voulu une chose, et elle ne l’a pas eue. ― C’est la première fois de sa vie qu’elle se trouve face à face avec un obstacle. Son étonnement est au comble : elle, Musidora, si enviée, si courtisée, si suppliée, la reine de ce monde élégant et joyeux, avoir fait des avances aussi formelles sans le moindre succès ! Quelle révolution étrange ! — Un instant elle se sentit contre Fortunio une rage indicible, une véhémence de haine extraordinaire, et il ne s’en fallut pas de l’épaisseur d’un de ses cheveux si fins qu’elle ne devînt sa mortelle ennemie.

L’extrême beauté de Fortunio le sauva : la colère de Musidora ne put tenir contre cette merveilleuse perfection de formes. Les lignes enjouées et sereines de cette noble figure apaisèrent dans le cœur de l’enfant tout sentiment mauvais, et elle se prit à l’aimer avec une violence sans pareille et dont elle ne soupçonnait pas elle-même toute l’étendue.

Si la curiosité n’avait pas avivé ce naissant amour comme une haleine qui passe sur un brasier à demi allumé, il se serait peut-être éteint avec les dernières fumées de l’orgie. — Couronné de succès, la satiété l’eût bientôt suivi ; — mais, avec l’obstacle et le désir, l’étincelle est devenue un incendie.

Musidora n’a plus qu’une idée, ― trouver