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aventures du baron de münchhausen.

voyant leur camarade tomber mort, délibérèrent mûrement et pensèrent que ce qu’il y avait de mieux à faire, c’était d’en référer au roi : la comtesse, de son côté, jugea prudent de continuer son voyage vers l’Égypte, où elle comptait de nombreux amis à la cour.

J’aurais dû vous dire d’abord que de plusieurs enfants qu’elle avait eus de Sa Majesté, elle avait emmené dans son exil un fils, son fils bien-aimé. La fertilité de l’Égypte ayant donné à ce fils plusieurs frères et sœurs, la comtesse lui laissa par un article particulier de son testament la fameuse fronde ; et c’est de lui qu’elle m’est venue en ligne directe.

Mon arrière-arrière-grand-père, qui possédait cette fronde, et qui vivait il y a environ deux cent cinquante ans, fit, dans un voyage en Angleterre, la connaissance d’un poëte qui n’était rien moins que plagiaire, et n’en était que d’autant plus incorrigible braconnier ; il s’appelait Shakespeare. Ce poëte, sur les terres duquel, par droit de réciprocité sans doute, les Anglais et les Allemands braconnent aujourd’hui impudemment, emprunta maintes fois cette fronde à mon père et tua, au moyen de cette arme, tant de gibier à Sir Thomas Lucy, qu’il faillit encourir le sort de mes deux amis de Gibraltar. Le pauvre homme fut jeté en prison, et mon aïeul lui fit rendre la liberté par un procédé tout particulier.

La reine Élisabeth, qui régnait alors, était devenue