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aventures du baron de münchhausen.

que fût cette façon de voyager, ajoutait mon père, les observations et les découvertes qu’elle me permit de faire sont encore plus extraordinaires.

« L’animal sur le dos duquel j’étais assis ne nageait pas : il courait avec une incroyable rapidité sur le fond de la mer, chassant devant lui des millions de poissons tout différents de ceux qu’on a l’habitude de voir : quelques-uns avaient la tête au milieu du corps ; d’autres au bout de la queue ; d’autres étaient rangés en cercle et chantaient des chœurs d’une beauté inexprimable ; d’autres construisaient avec l’eau des édifices transparents, entourés de colonnes gigantesques dans lesquelles ondulait une matière fluide et éclatante comme la flamme la plus pure. Les chambres de ces édifices offraient toutes les commodités désirables aux poissons de distinction : quelques-unes étaient aménagées pour la conservation du frai ; une suite de salles spacieuses était consacrée à l’éducation des jeunes poissons. La méthode d’enseignement, — autant que j’en pus juger par mes yeux, car les paroles étaient aussi inintelligibles pour moi que le chant des oiseaux ou le dialogue des grillons, — cette méthode me semble présenter tant de rapport avec celle employée de notre temps dans les établissements philanthropiques, que je suis persuadé qu’un de ces théoriciens a fait un voyage analogue au mien, et pêché ses idées dans l’eau, plutôt que de les avoir attrapées