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aventures du baron de münchhausen.

Je ne sais pas quel effet je produisis aux dames, mais je dois dire que l’impératrice de Russie n’est pas la seule de son sexe qui du haut de son trône m’ait offert sa main.

On a répandu le bruit que le capitaine Phipps n’était pas allé aussi loin vers le Nord qu’il l’aurait pu : il est de mon devoir de le défendre sur ce point. Notre bâtiment était en bon chemin d’atteindre le pôle, lorsque je le chargeai d’une telle quantité de peaux d’ours et de jambons que c’eût été folie d’essayer d’aller plus loin ; nous n’eussions pas pu naviguer contre le plus léger vent contraire, et moins encore contre les glaçons qui encombrent la mer à cette latitude.

Le capitaine a depuis déclaré bien souvent combien il regrettait de ne pas avoir pris part à cette glorieuse journée, qu’il avait emphatiquement surnommée la journée des peaux d’ours. Il jalouse ma gloire, et cherche par tous les moyens à la déprécier. Nous nous sommes souvent querellés à ce sujet, et aujourd’hui encore nous ne sommes pas dans de très-bons termes. Il prétend, par exemple, qu’il n’y a pas grand mérite à avoir trompé les ours en m’affublant de la peau d’un des leurs ; et que lui serait allé sans masque au milieu d’eux, et ne s’en serait pas moins fait passer pour un ours.

Mais c’est là un point trop délicat pour qu’un homme qui a des prétentions à la bonne éducation se risque à en discuter avec un noble pair d’Angleterre.