Page:Gautier - Fleurs d’orient.djvu/146

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graisse plus à aucun pâturage et, folle de chagrin, va et cherche de tous côtés,

« Ne donne qu’une faible image de la douleur dont je suis accablée, depuis que Sakhr m’a quittée. Hélas ! hélas ! le temps a ses jours de douceur et ses jours d’amertume.

« Sakhr était le maître, le souverain de nos tribus ; pour tous, il égorgeait ses troupeaux, dans les jours pénibles de l’hiver.

« Lorsque le froid et le besoin poussent les chameaux du voyageur à courir au premier abri, et que la faim leur fait saillir les côtes,

« Dans ces jours-là, les hôtes qui descendaient à la demeure de Sakhr, trouvaient toujours la table prête et les mets bouillants.

« Ah ! maintenant qu’il n’est plus, qui donc recueillera l’étranger, lorsque du nord soufflent ces vents terribles, dont les sifflements font trembler les échos ?

« Que la tribu en deuil rappelle tes vertus, ô Sakhr, et qu’elle te pleure sans relâche, car tu étais son héros. »