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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

briand M.Hugo, M.de Lamartine ou M.Roger de Beauvoir.

Mais s’il a cette douce satisfaction, d’être applaudi tout vif et de toucher la renommée du doigt, il a aussi ce malheur de ne rien laisser de lui et d’être oublié ou contesté après sa mort ; la chose a déjà lieu pour Talma, qui est à peine encore refroidi dans son suaire drapé à l’antique nous autres, jeunes gens, qui ne l’avons guère vu que le jour de la Saint-Charlemagne, lorsque nous faisions notre cinquième ou notre sixième, nous sourions d’un air incrédule aux miracles qu’en racontent les hommes de l’Empire, et nous serions presque tentés de répondre que le bonnet de coton de Frédérick est plus drôle que la napoléonienne perruque de Sylla.

C’est ce qui fait que le comédien, plus que le poète, plus que le compositeur, plus que le peintre, a besoin du critique ; sans critique, le comédien n’existe pour ainsi dire pas. Le poète imprimé est comme Dieu ; il est divisible à l’infini et reste toujours un.

Tous en ont une part, et tous l’ont tout entier.

De cinq petites raies barbouillées de croches et de noires vont jaillir au premier coup d’archet les plus suaves harmonies. La toile survit au peintre, et l’on ne s’aperçoit que Raphaël est mort que parce qu’il ne fait plus de tableaux. Sa pensée existe tout entière, et il nous sourit aussi doucement par les tendres