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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

encore de la raideur ; vous mettez votre rouge trop haut ou trop bas ; telle couleur vous sied, telle autre vous va mal ; vous tenez vos coudes trop en dedans et vos pieds trop en dehors. Tout cela contribuait au perfectionnement de l’art, car il y a plus de profit réel à tirer de ces menues observations que de vagues considérations esthétiques qui le plus souvent n’aboutissent à rien et sont tout à fait inapplicables.

Maintenant que Thalie et Melpomene se barbouillent les joues avec du sang de bœuf en guise de fard, et qu’un théâtre a l’air pendant la représentation d’une ménagerie pleine d’animaux hurlants qui attendent qu’on ouvre les grilles pour les lâcher dans le cirque, on ne fait plus attention à ces nuances délicates, à ces intonations pleines de finesse qui faisaient le charme des vieux amateurs ; il faut brailler à tue-tête, rouler de gros yeux, se traîner par terre à quatre pattes en faisant des contorsions horribles pour réveiller un moment un public distrait et blasé par le régime d’alcool littéraire auquel il a été soumis depuis quelques années.

On ne sait pas le moindre gré à une actrice d’être jolie, on ne lui demande que de crier bien fort et cependant, il est plus difficile d’être jolie que d’avoir une grosse voix ; on ne se soucie plus de la beauté des femmes ; l’on aime peu les fleurs et beaucoup le tabac à fumer. Cette question importante de savoir si le nez à la Roxelane est préférable au nez