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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

sens de la ligne et de la forme, jamais dans celui de l’effet pittoresque ; l’absence complète d’air et de clair-obscur leur donnent d’ailleurs l’opacité et la solidité de la pierre, dont leurs tons gris les rapprochent beaucoup. Michel-Ange n’a jamais peint à l’huile, travail bon, selon lui, pour des femmelettes et des paresseux, et il n’est guère possible de se montrer coloriste dans la fresque, où l’on ne peut ni fondre les teintes, ni reprendre un morceau mal réussi. La beauté de la fresque consiste dans le caractère des lignes, la grande tournure des ajustements, l’austérité des formes, qualités qui appartiennent plutôt au dessinateur qu’au peintre proprement dit ; et, ce qui fait bien voir que Michel-Ange comprenait la peinture en sculpteur, c’est qu’il ne comprend pas l’homme avec un fond ; il l’isole comme une statue. Le paysage, les fabriques, le ciel, la terre, les étoffes, les accessoires qui sont d’une si grande importance dans la peinture ordinaire, tout cela préoccupe fort peu Michel-Ange, le grand dédaigneux ; toutes ses figures se détachent sur un champ de teintes brunes ou grises et nagent dans un milieu vague ; s’il est forcé de mettre un arbre dans une composition, il n’indiquera que le tronc avec quatre à cinq grandes feuilles, plutôt pour signifier que là doit se trouver un arbre, que pour faire l’arbre lui-même ; ses terrains ont l’air de plinthes et de socles plus que de toute autre chose ; on dirait, en