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STATUES DE MICHEL-ANGE.

face des tableaux de Michel-Ange, que l’homme existe seul dans la nature.

La qualité qui est la plus saillante dans ce divin artiste, c’est donc le dessin ; personne n’a poussé plus loin la science anatomique, ni mieux connu les saillies, les attaches, les renflements et les entrelacements des muscles et des nerfs. Toutes les compositions qui ont occupé sa longue carrière ont été disposées par lui de façon à faire ressortir exclusivement ce savoir prodigieux, sans souci ni du sujet, ni des convenances, ni de la possibilité.

Cependant, l’on se tromperait fort si l’on s’imaginait que Michel-Ange, avec toute cette science, est un dessinateur exact et vrai. Rien n’est moins vrai, rien n’est moins exact que le dessin de Michel-Ange : d’abord tout relief a une saillie double et triple de la saillie naturelle ; les adducteurs sont tendus en même temps que les extenseurs, ce qui est impossible ; la gamme musculaire est tellement montée, que l’Hercule antique, le symbole le plus violent de la force humaine, est bien loin d’y atteindre ; les pieds sont en général trop petits dans beaucoup de figures, les jambes pèchent par le défaut de longueur, les têtes n’ont pas la dimension nécessaire ; la vérité, dans le sens le plus littéral du mot, est donc perpétuellement violée dans les statues et dans les tableaux de Michel-Ange. Si, par dessin et science anatomique, on entend la reproduction scrupuleuse-