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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

intérieurs des cuisses sont tellement souples, si fuyants et si moelleux, que l’illusion est complète ; on ne saurait aller au delà, et puis, cette tournure, cette élégance, ce grand style, et les mains et les pieds ! Je ne sais que vous dire à force d’avoir trop à dire, mais je sais bien que si j’étais sculpteur, après avoir vu ces divines statues, je me passerais une meule de moulin au cou, et, profitant de ce que la Seine est haute, j’irais me jeter tout vif à l’endroit le plus profond.

Il y a un Méléagre et deux statues d’homme dont un a le bras replié derrière le dos. Je n’ai pu m’empêcher d’un mouvement de terreur quand j’examinais ce colosse, pensant que, s’il étendait le bras, je serais réduit en poudre à jeter sur l’écriture, avec les camarades qui m’accompagnaient, la salle où nous étions, les constructions de M.  Duban et tout le faubourg Saint-Germain.

Quant au Méléagre, qu’on nous pardonne l’abominable blasphème que nous proférons : il nous a paru un peu Vanloo.

Par un caprice étrange, familier à Michel-Ange, pas un de ces marbres n’est entièrement achevé. Il y a des morceaux faits seulement à la pointe, d’autres à la gradine, d’autres enfin au ciseau, et quelques-uns polis comme du marbre de cheminée ; tantôt c’est un pied pour lequel il ne s’est pas trouvé de place, tantôt un bras qu’il a dédaigné de dégager du