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DE L’ORIGINALITÉ EN FRANCE.

Falstaff est mort, Panurge est mort, M.  de Pourceaugnac aussi ; le grotesque est enterré, le grandiose avec ses héros dorment en long, leurs bouffons à leurs pieds ; des lévriers de pierre, des anges de marbre gardent leur sommeil sous les ogives moisies de quelque pauvre basilique abandonnée ; le battement des nobles cœurs s’est arrêté comme une pendule qui ne se remonte pas. Où trouver un Dowglas, un Bayard, un Hotspur ? Le temps des royales amours et des actions chevaleresque est passé ; plus de dévouement, plus de foi !

Notre sainte mère l’Église est regardée comme une vieille en enfance et qui radote. Le maillot même n’est plus crédule : à cinq ans une petite fille n’a plus peur du diable ; à six, un petit garçon est athée. Aussi un grand homme a-t-il été forcé de clouer au front de son œuvre cette épigraphe amère et désespérée : « Nos canimus surdis. »

Ces têtes fières et terribles, aux méplats accusés, à la barbe large et caractéristique, aux tons riches et chauds, hélas ! elles sont perdues à tout jamais.

Il n’y a plus d’hommes, n’est-ce pas, mesdames ? Et ces visages de femme, ovales et parfaits, au sourire intime et reposé, aux paupières pleines d’ombre et de recueillement, au front limpide et clair où l’espérance d’un monde meilleur transparaît à travers le contentement d’avoir fait son devoir en celui-ci ? Vous en trouverez beaucoup dans les vieux maîtres.