Page:Gautier - Fusains et eaux-fortes.djvu/225

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sentiment du pittoresque ; seulement ils sont pressés de jouir et ne construisent pas pour la postérité : les mosquées et les tombeaux sont destinés à lutter contre le temps ; mais la maison d’un Turc ne doit pas durer plus que lui. Il campe plutôt qu’il n’habite. Les palais mêmes des sultans, surtout dans les parties modernes, sont construits en bois. Les marbres précieux de l’Asie et de l’Archipel ne leur ont fourni que des colonnes.

Aucune ville ne gagne davange à être peinte, et aucune aussi n’offre plus de contrastes à l’observateur sérieux. Cette grandeur apparente, cette magnificence éphémère, il appartient à l’Europe de les recueillir et de les fixer à jamais dans le domaine des arts. Si tout cela doit s’abîmer quelque jour au coup de sifflet d’un machiniste inconnu, si le temps seul, ce qui d’ailleurs ne peut manquer, en efface les traits fugitifs, nous conserverons du moins précieusement l’image d’une splendeur qui n’a point d’égale et les fantaisies riches et variées d’une population la plus étrange et la plus poétique qui fut jamais.

Car, si la ville a des aspects merveilleux, la foule qui l’habite offre d’étonnantes ressources au crayon de l’artiste, des tons éclatants à son pinceau ; l’intérieur de ces maisons trompeuses a des mystères et des trésors que l’Europe connaît à peine, si curieuse qu’elle en soit. Beaucoup de peintres ont pu