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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

« Guernadier, que tu m’affliges » et l’on ne voit sur la place Saint-Marc que quelques voyageurs munis de passeports sous leurs manteaux, qui se font peur les uns aux autres en grommelant quelques tirades du Bravo de la Porte-Saint-Martin.

Naples, cette magnifique indolente couchée sous son beau ciel, n’offre guère plus d’attraits exotiques que les vaudevilles de M. Scribe et un quatrain de M. Delavigne sur le livre de l’Ermite du Vésuve. On n’y parle après le français qu’une langue étrangère, qui est l’anglais. Les pêcheurs y sont convenablement vêtus et dorment plus volontiers à l’ombre qu’au soleil. La mandoline y est inconnue, et l’on n’y danse guère, au lieu de la tarentelle, qu’un demi-cancan qui serait réprouvé comme d’une austérité ridicule à la barrière des Deux-Moulins. Quant à la Suisse, on sait qu’on n’y va plus qu’en négligé du matin et qu’on y rencontre ses amis comme au bois de Boulogne.

Cet affaiblissement des mœurs originales devait rendre la tâche des voyageurs inutile, et pourtant ils ne l’en ont pas moins si bien faite, que grâce à eux nous savons beaucoup mieux que les Italiens et les Orientaux ce qui se passe chez eux, et ce qui ne s’y passe pas, et ce qui devrait s’y passer. Il y a eu complet échange. Plus les étrangers devenaient Français, plus nous sommes devenus étrangers, et, par les modes littéraires qui courent, les nations