Page:Gautier - Fusains et eaux-fortes.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
62
FUSAINS ET EAUX-FORTES.

dre et de traduire avec esprit et correction une face de l’art du trait il faut pour former un artiste remarquable, complet, sentir vivement, exprimer avec verve et facilité l’art du trait sous toutes ses faces. Celui qui maniera la brosse et le ciseau avec une égale facilité, celui qui saura asseoir une statue, fouiller le marbre et le cœur de chair, ciseler le bronze, jeter sur la toile des groupes harmonieux et colorés ; celui qui, s’élançant loin des sentiers battus, puisera en lui-même son inspiration et, sans le secours d’une intelligence étrangère, rendra d’une façon chaude et nette le sujet qu’il désirait traiter, celui-là, dis-je, sera un artiste remarquable, celui-là, dis-je, sera un artiste complet.

Antonin Moine possède toutes les qualités que nous venons d’énoncer, et c’est pour ce motif que nous n’hésitons pas à le citer comme un des premiers artistes de notre temps. Le public ne connaît guère que ses œuvres de sculpture, et cependant ses travaux en peinture, ses pastels, ses dessins révèlent dans leur auteur un des élèves les plus distingués qui soient sortis de l’atelier de Gros.

Moine est doué d’une telle facilité de composition et d’exécution qu’il dessinerait également un tableau, une décoration monumentale, ou qu’il pétrirait un groupe, cisèlerait un objet de parure. Cette souplesse dans l’esprit et dans la main lui assigne une place à part et une distinction qu’il est bien rare