Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/15

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une foi inébranlable, une volonté de fer. Pendant une longue période, l’autorité de David fut immense, incontestée, sans rivale. Il s’était emparé, en maître despotique, du domaine de l’art. Ces dominations ne s’acquièrent pas sans une rare puissance, et pourquoi ne pas dire le mot ? sans génie. Depuis que l’école romantique a renouvelé la palette moderne avec les couleurs de Venise, d’Anvers et de Séville, le coloris de David peut paraître gris, terne et un peu froid, mais il a une harmonie sévère qui ne contrarie pas l’œil. On y trouve des morceaux d’un ton très vrai et souvent très fin. Ce coloris est historique pour ainsi dire, et il revêt l’idée d’un vêtement convenable, ni trop réel, ni trop abstrait.

Les Sabines nous semblent un des meilleurs ouvrages de David. La figure de Romulus s’apprêtant à lancer son javelot contre Tatius est de la plus juvénile élégance ; c’est bien ainsi que l’imagination se représente un héros. Son bouclier d’airain, dont la louve occupe l’umbo, fait au milieu de la toile un centre lumineux, où l’œil aime à se reporter. Ses jambes, d’un dessin fin et nerveux, sont aussi belles que les jambes de l’Apollon. Tatius, qui voit venir le coup, se baisse pour l’éviter ; entre les deux combattants Hersilie se dresse les bras étendus, et cherche à les séparer. Sa tête, qui rappelle le type grec, semble moulée sur un marbre antique ; mais les teintes fraîches et pures qui nuancent ses joues et son col lui donnent les couleurs de la vie. Quoi de plus joli que le groupe d’enfants que les jeunes mères ont apportés sur le champ de bataille pour