Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/16

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attendrir et désarmer la colère des guerriers ? Ce tout petit, emmailloté encore, qui suce son pouce, est d’une naïveté charmante. Les jeunes écuyers qui contiennent des chevaux dans l’angle droit du tableau sont pleins de grâce et de fierté. Dans le fond l’on aperçoit les constructions de la Rome naissante et la bataille qui se continue. Sur le ciel se détachent ces étendards composés d’une poignée de foin attachée à la hampe d’une lance et que l’univers apprendra à regarder avec terreur. Tout, dans cette remarquable composition, est pensé, étudié, cherché et poussé à la limite de perfection dont l’artiste était capable. Son effort ne peut donner davantage. Aucun détail n’est laissé au hasard ; l’impérieuse volonté du peintre ne s’endort jamais. Le coloris des Sabines est plus clair, plus harmonieux, plus limpide et moins fatigué que le coloris des autres tableaux de David.

Léonidas aux Thermopyles est une noble composition qu’anime un souffle vraiment héroïque. Dans la gorge étroite qui doit être leur tombeau, les jeunes Spartiates dociles à la consigne se disposent à vendre chèrement leur vie. Sur le chemin qui borde le flanc de la montagne, on voit s’éloigner les esclaves, les mulets et les bagages inutiles. Au milieu du tableau. Léonidas, assis près de l’autel d’Hercule, semble se livrer à cette tranquille et mâle rêverie de l’homme qui a fait le sacrifice de lui-même et qui jette un dernier regard sur la nature qu’il ne verra plus. À droite, un Spartiate grave sur la roche avec le pommeau de son épée, l’inscription qui sera