Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/21

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Pestiférés de Jaffa produisirent un effet immense, et le cadre de la vaste toile fut couvert par le public de palmes et de couronnes.

La scène du Déluge, Endymion, Atala et Chactas représentent dignement Girodet dans ce salon carré de l’école française. C’était un esprit fin, ingénieux, littéraire et poétique ; il tenait la plume et le pinceau, il était savant et faisait des vers. Quoique son don le plus marqué fût la peinture, Girodet ne produisit qu’un petit nombre de toiles, mais il lisait les poètes grecs, les traduisait, les imitait et, ce qui vaut mieux, les enrichissait de dessins pleins de grâce, d’élégance et d’un pur sentiment antique ; il illustra d’une foule de compositions Virgile, Anacréon, Saplio, Bion, Moschus, Racine et Ossian, ce pseudo-Homère écossais alors fort à la mode. Quoique ce soit bien réellement un peintre d’un talent sérieux et d’une science consommée dans ses compositions, l’homme de lettres perce par la recherche de la pensée et l’ingéniosité de l’arrangement. Ainsi, dans la célèbre scène du Déluge, l’intérêt dramatique est ménagé, calculé, gradué avec le soin que mettrait le plus habile metteur en scène au tableau final d’un acte à effet. Les eaux ont envahi la terre, seul, un rocher émerge couronné d’un arbre ; à cette branche s’est attaché d’une main, avec toute l’énergie du désespoir, un homme portant son père sur ses épaules ; de l’autre main il tient, par le bras droit, sa femme qui presse contre son sein un enfant enveloppé d’un manteau. De la tête à demi renversée de la femme s’épanche une longue chevelure à la-